Georges Perec – La vie mode d’emploi- Oeuvre romanesque ou projet scientifique

Pérec est également attiré par le théâtre, la radio et le cinéma ; il rédige pièces, scénarios, dialogues, traductions et collabore avec diverses peintres et musiciens. En 1978 il obtient le prix Médicis pour La vie mode d’emploi au sous titre éloquent de « romans » (pluriel alors que le singulier serait attendu). L’œuvre raconte un nombre remarquable d’histoires, décrit la vie de centaines de personnages, traverse plusieurs époques et est le fruit de dix années d’écriture.
Pérec meurt en mars 1982 d’un cancer alors qu’il rédigeait 53 jours, fiction policière publiée à titre posthume.
Le livre La vie mode d’emploi est dédicacé à Raymond Queneau, figure majeure de l’OuLiPo. L’accent est ensuite mis sur le regard et l’observation avec la citation de jules Vernes « Regarde de tous tes yeux, regarde ».
Le roman retrace la vie d’un immeuble parisien situé au 11 de la rue Simon-Crubellier dans le 17e arrondissement (rue imaginaire) entre 1875 et 1975. Il montre ses habitants, leur vie, leurs appartements « immeuble éventré montrant à nu les fissures de son passé, l’écroulement de son présent, cet entassement sans suite d’histoires grandioses ou dérisoires, frivoles ou pitoyables » (Chapitre XXVIII).
L’histoire centrale se déroule autour de trois personnages, Bartlebooth, Winckler et Valène alors que le livre se perd en digressions les plus variées et jongle joyeusement avec recettes de cuisine, entrées de dictionnaire, collages, dessins, extraits de journaux, lettres, régimes alimentaires etc. (véritable fourre-tout, inventaire loufoque et ludique).
Bartlebooth, personnage excentrique, possède une immense fortune et se donne pour but de réaliser le projet suivant :
• s’initier pendant dix ans à la technique de l’aquarelle auprès du peintre Valène
• parcourir le monde pendant vingt ans accompagné de son serviteur Smautf et peindre cinq cent ports de mer, envoyer ensuite les aquarelles à Winckler pour qu’il les colle sur une plaque de bois et les découpe en des puzzles de sept cent cinquante pièces chacun
• reconstituer ensuite pendant les vingt années suivantes, à raison d’un puzzle tous les quinze jours toutes les aquarelles
• décoller enfin toutes les marines de leur support, les transporter à l’endroit où elles ont été peintes et les plonger dans une solution détersive d’où ne ressort plus qu’une feuille blanche et vierge.
Les trois personnages meurent tous avant d’avoir mené à bien ce projet, Winckler tout d’abord, Bartlebooth ensuite alors qu’il n’en est qu’à son quatre cent trente neuvième puzzle puis enfin Valène.
Le début du roman ne fait guère penser à une fiction romanesque, on serait plus enclin à penser qu’il s’agit là d’un essai scientifique ou d’une réflexion théorique sur le thème du puzzle ou du jeu.
L’auteur se lance d’entrée dans une réflexion sur la technique du puzzle et plus précisément sur la place du joueur (Métaphore possible de l’homme) ainsi qui sur celle du faiseur de puzzle (Dieu/puissance supérieure qui commande et détermine chaque geste des hommes). Perec fait preuve ici d’un certain fatalisme puisque, selon lui, rien ne semble complètement libre.
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