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Elvigami

Le monde n’est plus, vive le monde ! Comme l’adage populaire le faisait entendre pour les rois, lorsque l’un s’éteint, l’autre s’élève et reprend le flambeau de plus belle. En bref,  la flamme demeure.

Différence et éloignement balayés, nous voici depuis quelques semaines à la même enseigne, de Honolulu à Paris ou Chicago. Dans notre bulle, et bien qu’hyper connectés avec une prolifération d’écrans à tout vent, nous sommes tous étrangement face à nous mêmes, à nos propres limites ou bien à l’infini des possibles.

Les plus fortunés évoluent dans de grands espaces voire dans leurs jardins ou sur leurs terrasses (j’avoue les envier pour l’extérieur à l’intérieur), les autres dans quelques mètres carrés, avec ou sans lumière directe. Chacun cependant, est confronté à redéfinir le quotidien et recréer une sphère de vie nouvelle.

Entre télétravail et télé-virtualité, on s’adonne alors à une pléthore d’activités selon les goûts et les talents de chacun: on cuisine et fantasme non stop sur le prochain plat (si tant est que cela ne fût pas de mise auparavant d’ailleurs), on relit les livres de sa bibliothèque, ou bien attrape celui qui s’empoussière depuis des mois sur la table de chevet, on improvise des concerts gratuits pour voisins médusés, on bouge sur place en se mettant au yoga et à la méditation, on prévoit l’après confinement et ses prochaines vacances au grand air (surtout de l’air !), on étudie, philosophe sur le sens de la vie et se remémore un temps passé, ou avouons-le aussi on se chamaille gentiment en famille pour mieux se sentir vivre ensemble.
A chacun de composer.

Ici, en plus du reste, on laisse parler le papier qui se lit en deçà des mots.

Roses Or et Argent Origami     Rose rose sur fond bois clair    3 roses japonaises avec baguette
Tantôt uni, tantôt coloré, mat ou satiné, dense ou léger, petit ou grand il raconte son histoire.

Jonquilles violettes jaunes et oranges          Table rouge         Fleur plate violette

Les lignes s’entrelacent, les surfaces planes s’envolent et le volume advient. Il en sort un monde chatoyant de petites créatures, d’animaux, de fleurs et d’objets.

 

Rose Rouge Origami             Jonquilles violettes et jaunes              Rose en bouton rouge sur tige

Et bien sûr
aucune coupure, aucun collage
juste le papier, ses limites et ses possibilités.

 

Ecureuil          Rose orange sur tige           Cheval et mur orange
Une passion incroyablement simple ou extraordinairement complexe,
que seuls rythment le temps, l’envie et la patience.

 

Lys bleu         Rose Jaune Origami         Mini lapin japonais

Le mariage, en beauté,
de la poésie et des mathématiques,
de la structure et de l’imagination.

 

Fleur japonaise plate        Crane japonais        Boite japonaise

shaker village dessin tba

On y arrive par une petite route de campagne flanquée de longues barrières blanches derrière lesquelles des chevaux attendent d’être montés. C’est une enfilade de prés dans un espace vallonné. L’autoroute bruyante est déjà loin ; les voitures se font rares et les maisons sont de plus en plus espacées. Elles bordent le bas côté, ou trônent plus imposantes au sommet d’une allée. Nous sommes dans le Kentucky, à quelques heures de Chicago, et bientôt sur la gauche une pancarte indique le but du voyage : Shaker Village of Pleasant Hill.

Le village en question se compose d’une trentaine de bâtisses, en bois et en briques, certaines petites d’autres grandes, séparées par un chemin de terre et par des clôtures faites de pierres savamment empilées ; de hangars aux charpentes massives, de quelques enclos cultivés et d’un cimetière où reposent les derniers habitants du lieu. Car il n’y a plus d’occupants depuis 1923 et Shaker Village est maintenant un gîte, un lieu de retraite pour celles et ceux qui souhaitent se ressourcer. On y séjourne en famille, seul ou en groupe et savoure un endroit hors du temps, propice au silence et à la réflexion.

Plaisant Hill fut fondé au début du 19esiècle par une poignée de croyants venus de New England. Leur foi se basait sur un christianisme ascétique aux règles strictes dont les trois grands axes étaient: travail, célibat et spiritualité.

A l’origine, il y a Ann Lee, alias « Mother Ann », une ouvrière analphabète qui en 1774 fuit l’Angleterre et s’installe sur la côte Est pour y pratiquer la religion qui s’est imposée à elle lors d’une vision. Elle y crée la première communauté Shaker ; ce nom est donné en raison des danses extatiques exécutées par les fidèles lors du culte (de l’anglais « shake » signifiant « vibrer » ou « trembler »).  L’austérité de la vie shaker n’arrête cependant pas les adeptes qui, séduits par la sincérité et par les valeurs des Shakers, rejoignent en masse la nouvelle utopie religieuse.

A son apogée en 1840, on compte plus de six mille membres répartis dans dix-neuf communautés dans des états comme le Maine, Vermont, New Hampshire, Massachussetts, Connecticut, Ohio, Indiana et Kentucky. Des familles rejoignent les Shakers et acceptent de troquer leur statut d’époux et d’épouse pour celui de frère et sœur ; les hommes vivent d’un côté, les femmes de l’autre ;  les enfants sont ensemble sous la supervision de quelques adultes. Chaque maison est dotée d’une double entrée avec deux cages d’escaliers distinctes afin de respecter la stricte séparation des sexes. En revanche, les droits échus aux membres sont exactement les mêmes, pour les hommes comme pour les femmes, et ce indépendamment de leur couleur de peau (rappelons au passage que l’abolition de l’esclavage ne sera proclamée qu’en 1865 et que le droit de vote des femmes sera ratifié en 1920 seulement !)

Les journées à Plaisant Hill commencent tôt et sont ponctuées par le travail – un travail manuel mais aussi intellectuel et spirituel. Certains sont fermiers, charpentiers, apiculteurs, boulangers, cuisiniers, tisserands; d’autres chimistes, instituteurs, herboristes, architectes voire inventeurs car tout ce qui peut alléger la tâche quotidienne et apporter plus de plaisir est loué. Et pour que tous puissent développer leurs talents et maîtriser plusieurs métiers, les tâches de chacun alternent régulièrement. On prête aux Shakers plusieurs innovations, celles des tissus imperméables, des vêtements ne nécessitant aucun repassage, de la pince à linge en bois, du balai plat ou encore de la machine à laver; la première scie circulaire aurait également été inventée par une femme shaker. Le village est un des premiers à avoir l’eau courante et l’hygiène fait partie des pratiques quotidiennes. Les travaux sont dignifiés ; exécutés avec respect et soin, ils deviennent en quelque sorte une façon de rendre hommage à dieu.

Ainsi, les Shakers construisent leurs maisons, fabriquent leurs meubles, tissent et cousent leurs vêtements – Tout est simple, ordonné et efficace, sans aucun ornement. Ils cultivent pour se nourrir et vendent leurs produits à l’extérieur de la communauté. Les rituels rythment la vie de tous les jours, une façon peut-être de mieux discipliner les corps et de sublimer les interdits. Les services religieux sont fréquents et ils ont lieu dans le « Meeting House» où tous se retrouvent alors: hommes, femmes et enfants. Ils prient, chantent et dansent, parfois pendant des heures – la musique et la danse étant perçues comme d’autres moyens de se rapprocher de dieu.

Ce qui frappe lorsqu’on reste à Plaisant Hill, c’est la beauté sobre de l’architecture et la modernité des valeurs shakers; ce sont les lignes épurées des escaliers droits ou en colimaçon, la clarté minimaliste des chambres, la rigueur patinée des commodes, l’habilité des boîtes en bois de toutes tailles pour y ranger vêtements et objets, l’ingéniosité des patères qui courent le long des murs afin d’y accrocher manteaux, chandeliers ou chaises.

Shaker Village of Pleasant Hill, c’est un lieu à part où intelligence rime avec perfection et harmonie et où en conséquence, il fait parfois bon se retirer.
(https://shakervillageky.org)

shaker village maison brique  shaker village 2  shaker village escaliers

 

shaker village 1  shaker village 6  Shaker Village maison pierre.JPG

*

AF_Jeanne Gang_9 janvier 2018_3C’est une audience subjuguée qui a assisté mardi soir à la conférence de l’architecte Jeanne Gang à l’Alliance Française de Chicago.

La présentation du parcours et des projets actuels de Studio Gang fut suivie d’un entretien….en français, s’il vous plaît.
Car si on connait l’architecte de talents et la femme engagée qu’Odile Compagnon a mis à l’honneur dans son introduction, on ne s’attend pas forcément à la voir se prêter avec tant de naturel et de grâce à un tel exercice de style. Un grand bravo !

– Quand et pourquoi avez-vous commencé à étudier le français?

Quand j’étais étudiante à l’université, j’ai étudié pendant un an à Paris-Versailles dans le cadre d’un programme d’échange avec l’université d’Illinois. Je suis tombée amoureuse de l’architecture de Paris et à ce moment là j’ai su que je deviendrai architecte.

Plus tard, j’ai collaboré à des projets en France lorsque je travaillais pour l’architecte néerlandais Rem Koolhaas. Je suis allée à Lille, dans le nord de la France. Ensuite, j’ai été le designer principal d’un autre projet français : une maison à Bordeaux. Ce projet a remporté de nombreux prix et est assez bien connu dans le monde de l’architecture.

Récemment, nous (Studio Gang) avons été finalistes d’un grand concours de design à Paris – j’avais donc un intérêt particulier à améliorer mon français afin de pouvoir le présenter au jury en français. En fait, Adam, mon professeur ici à Alliance française m’a aidée à préparer ma présentation.

– Parlez-nous du concours de la Tour Montparnasse….

La Tour Montparnasse est la seule grande tour du centre de Paris, construite en 1973. Elle est peu appréciée des Parisiens. Donc, la compétition était de réinventer la tour, et non de la démolir.

Il a beaucoup de problèmes dans les bâtiments de cette époque, notamment l’amiante et la mauvaise performance énergétique.

Nous avons fait un beau projet, pour donner une nouvelle vie à la Tour – je pense que c’était le meilleur projet.

– Vous pouvez nous la montrer?

AF_Jeanne Gang_9 janvier 2018_2

Malheureusement, nous sommes arrivés second. Cela nous a beaucoup déçu parce que toute mon équipe a travaillé sur ce projet pendant un an.

Sur le plan positif, il reste trois choses : premièrement, nous avons travaillé avec des membres de l’équipe française – une équipe étonnante, deuxièmement, nous avons maintenant beaucoup d’autres opportunités à Paris, et troisièmement, J’ai amélioré mon français.

La langue (par exemple le français) est un facteur de communication mais aussi de différenciation entre les gens, tout comme le l’architecture peut l’être aussi, à quoi reconnaît-on un projet de Studio Gang et qu’est-ce qui, selon vous, différencie SGA des autres agences d’architecture ?

L’idée principale de mon studio est la connexion avec l’environnement et aussi l’expression (fidèle) des matériaux. Mais l’approche durable n’est pas suffisante aujourd’hui car la tendance maintenant est à la polarisation (à la division).
Il ne suffit plus de tenir compte de l’impact sur l’environnement, maintenant nous pensons surtout que l’architecture doit servir d’abord à améliorer les relations humaines, l’entente.

La science de l’écologie est l’inspiration de notre pratique. C’est la science de la relation entre les organismes et aussi entre les organismes et l’habitat. Elle est l’analogie parfaite pour expliquer notre façon de travailler. Et on peut lire (l’empreint) de cette science sur notre architecture.

– En quoi l’Architecture de Paris et l’architecture de Chicago sont-elles différentes ou identiques ?

C’est une question intéressante. Je pense que la plus grande différence pour moi est que Paris a un tissu urbain cohérent qui est ponctué de monuments. Les monuments sont reliés par des axes. Selon moi, cela rend Paris très compréhensible. Cela signifie également que l’architecture joue un rôle important et tout le monde le sait.

À Chicago, les rues de la ville sont sur une grille (une trame) et donc les blocs sont également divisés. Normalement, nous ne parlons pas de monumentalité ou d’axes lorsque nous parlons de l’architecture de Chicago.
Ces qualités rendent la perception de ces deux villes très différentes les unes des autres.

Les gratte-ciels sont une autre différence évidente. Ils sont au cœur de Chicago alors qu’à Paris ils sont à la périphérie.

Paris est une ville de pierre alors que Chicago est une ville en acier et en béton.

Mais, j’ai toujours pensé qu’il y avait quelque chose de très similaire à la façon dont chaque ville s’adresse à la rivière.

– C’est donc dans leur rapport à l’eau, à la rivière, que les deux villes se rejoignent ?

Oui, comme Paris, Chicago est construite au niveau de la rivière, ce qui donne dans les deux villes l’impression d’être au-dessus du fleuve.
Les deux villes redécouvrent aussi leurs rivières et de nouveaux lieux de loisirs et de nature.

La maire de Paris Anne Hidalgo a transformé les routes le long de la Seine en espaces pour les personnes.
Le maire Rahm Emanuel prolonge le Riverwalk et il établit des points d’accès pour les gens du secteur riverain industriel de Chicago.

– Quel est votre bâtiment préféré à Paris ?

Je pense vraiment que Notre Dame est incroyable, et j’aime aussi la Bibliothèque nationale faite par Henri Labrouste. Je me suis inscrite et j’ai obtenu une carte à la Bibliothèque Richelieu juste pour pouvoir en observer l’architecture ! Il montre une utilisation précoce de l’acier pour la structure et exprime la véritable minceur de la matière au lieu de la faire ressembler à de la pierre.

– Que diriez-vous de Chicago ?

À Chicago, l’un de mes bâtiments favoris est le Monadnock Building by Holabird and Root
(J’aime comment toutes les différentes formes de briques travaillent ensemble pour le rendre très lisse et subtil)
Et j’aime aussi Crown Hall de Mies Van der Rohe. C’est la simplicité et la transparence.

– Comment construisez-vous dans différentes villes que vous connaissez moins bien? Et comment votre architecture s’intègre-t-elle à Chicago ?

Où que nous allions, nous essayons de comprendre le contexte et de faire en sorte que notre travail corresponde aux qualités du lieu. Pas en imitant ce qui est là mais ça pourrait être à travers le matériel ou l’échelle. À Chicago, je pense que notre travail s’inscrit dans une tradition d’expression de la structure et des matériaux.

– Votre pratique a pris de l’ampleur depuis le début, comment gérez-vous cela et sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Plusieurs projets sont en cours de construction.
Vista Tower sera la troisième plus haute tour à Chicago quand elle sera achevée en 2019.

À Hyde Park, nous avons un nouveau bâtiment résidentiel en construction appelé « Solstice on the Park ».

À Brooklyn, nous avons une installation de pompiers presque terminée dans le quartier de Brownsville.

À Manhattan, les travaux sont en cours sur la tour « Solar Carve » sur la Highline.

À San Francisco, nous avons une tour résidentielle en construction sur la rue Folsom.

En cours de développement, nous travaillons actuellement au musée américain d’histoire naturelle à New York et à l’ambassade américaine à Brasilia.

Nous travaillons sur trois bâtiments liés aux arts, dont le California College of Arts à San Francisco, un ajout au Arkansas Art Centre, et un nouveau bâtiment au Spellman College à Atlanta.

Nous sommes également en train de travailler à une nouvelle résidence à U.C. Santa Cruz ainsi qu’à des projets de design urbain tels que le Memphis River Front et les projets publics pour les quartiers de Brownsville et Morrisania à New York.

– Studio Gang a été sélectionné, je crois, avec six autres équipes pour représenter les Etats-Unis dans le pavillon américain de la Biennale d’architecture de Venise, quel en est le thème ?

Le titre est « Echelle de citoyenneté » et l’idée du pavillon, c’est que les participants montrent des projets à des échelles différentes : échelle de la personne, échelle de la ville, de la région, du monde, du cosmos.
Notre échelle à nous, c’est celle de la ville. Nous essayons de répondre à la question de la monumentalité d’un lieu en utilisant les pavés d’un site sur lequel nous travaillons à Memphis.

– Vous participez à des concours, des conférences, des entretiens (comme aujourd’hui), à des expositions, publications, workshops… quel rôle jouent-ils dans votre travail?

C’est important pour la recherche et comme ce sont des réalisations rapides, c’est bon pour les collaborateurs de l’agence, qui voient ainsi un résultat construit sans avoir à attendre les longs délais des chantiers normaux.

– Enfin, qu’est-ce qui vous tient à cœur en 2018?

Je suis vraiment heureuse des projets que nous avons actuellement et veux les rendre exemplaires à tous points de vue. Je pense en particulier à la durabilité de ces projets et aussi à soutenir la communauté.

Aussi, cette année, je vais enseigner le design à Harvard aux étudiants qui font des études supérieures. J’aime travailler avec les étudiants et étudier la résilience dans la construction, notamment dans les endroits qui sont les plus sujets au changement climatique.

Pour un projet de studio, nous aborderons par exemple les îles Caraïbes et nous verrons comment les structures ont résisté aux ouragans Irma et Maria.
D’une certaine manière, les îles sont un microcosme de la planète Terre. Si nous pouvons comprendre comment le faire fonctionner sur une petite île, nous devrions être en mesure d’évoluer celui-ci au niveau de la planète. À Paris, un consortium appelé « Caribbean Smart-Climat Coalition » a accepté de prendre des mesures pour faire des îles un exemple mondial de résilience. Le travail que je ferai sera en phase avec cet effort. Je prévois également d’emmener les étudiants dans les îles pour faire du bénévolat dans le cadre de l’effort de nettoyage.

Je veux aussi continuer avec mon français. Ça devrait être une bonne année !

– Merci Jeanne pour vous être si gracieusement et courageusement prêtée à cet exercice « en français ».

AF_Jeanne Gang 9 janvier 2018_1

Jeanne Gang en quelques mots….
Décorée de la Légion d’honneur, membre de la fondation MacArthur et de l’Académie Américaine des Arts et des Sciences, l’architecte américaine Jeanne Gang a fondé Studio Gang en 1997. Ancienne élève de la Harvard Graduate School of Design ayant enseigné dans les plus grandes universités des Etats-Unis, ses œuvres architecturales sont exposées et applaudies partout dans le monde, depuis l’Art Institute of Chicago jusqu’à la Biennale de Venise. En 2010, avec Studio Gang, elle transforme la silhouette de Chicago, sa ville d’origine, avec l’Aqua Tower et ses 86 étages. Artiste engagée, Jeanne Gang imprègne son architecture des ambitions sociales et environnementales qui l’animent. En partenariat avec l’agence française Chabanne-Architecte, Studio Gang fut finaliste du concours pour la rénovation de la Tour Montparnasse de Paris.

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« Avec l’architecture, nous pouvons faire beaucoup plus que créer de simples bâtiments. Nous pouvons aider à améliorer cette planète que nous partageons tous. »
– Jeanne Gang

Jeanne Gang Flyer 2

Que ce soit pour l’Ambassade des Etats Unis au Brésil, un hangar à bateaux sur les rives de la Chicago River ou l’Aqua Tower, une tour d’habitation qui ignore résolument le carré, les réalisations de Jeanne Gang n’ont pas fini de nous surprendre et de nous émerveiller.

C’est à partir de ses bureaux d’urbanisme et d’architecture à Chicago et New York que le Studio Gang défit les conventions avec une pratique qui intègre individu, communauté et environnement.

Mais tout ceci, vous le saviez déjà. Ce qu’on sait moins en revanche, c’est que Jeanne Gang a également étudié à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture à Versailles et qu’après avoir obtenu son diplôme à la « Harvard Graduate School of Design », elle a travaillé à Rotterdam de 1993 à 1995 avec Rem Koolhaus à des projets réalisés ensuite en France.

C’est donc dans la langue de Molière que nous aurons le plaisir d’entendre l’une des grandes personnalités du monde de l’architecture nous parler de ses années de formation en France, de ses réalisations à Chicago et partout ailleurs, de sa philosophie ainsi que des défis que posent sa vision et sa pratique de l’architecture.

Ce programme fait partie de la biennale d’architecture de Chicago.

Bibliothèque

De la bibliothèque d’Alexandrie à la Bibliothèque Nationale de France ou la New York Public Library, les bibliothèques reflètent l’histoire de la civilisation. Espaces publics ou privés, elles sont les cathédrales de l’esprit. À la fois stimulantes et intimidantes, elles constituent le lieu magique et mystérieux de l’imagination, le labyrinthe infini de la pensée, où lecteurs et écrivains puisent inspiration et consolation.
Le cours mettra l’accent sur ​​notre relation aux bibliothèques à travers un parcours littéraire et architectural.

Alliance française de Chicago – mercredi de 19h45 à 21h15

Image«Between the folds», le documentaire de l’Américaine Vanessa Gould, sorti en 2008 révèle le monde connu et méconnu de l’origami. Nous sommes loin ici des cocottes en papier que chacun sait plus ou moins faire et expérimente joyeusement en famille. Le papier devient statue, forme géométrique complexe, objet aux mille facettes – un mélange unique de technique et d’émotion.

Plusieurs artistes prennent la parole, parlent de leur découverte de l’origami, de leur fascination et de leur travail incessant pour dompter un art qui semble sans limite. Un pli, puis un autre, des centaines pour les plus experts et la surface s’incarne sous nos yeux.

Le papier prend corps et âme. Il devient sens.

Le documentaire est bref. Il ne dure que 55 minutes et semble ne faire qu’aborder le sujet pour mieux nous le laisser découvrir. On ressort de ce film avec l’envie de créer, de se perdre « entre les plis ». Car c’est bien là que la magie opère, dans cette recherche par l’art d’un moment de grâce et d’un au-delà, situé « entre » les plis.

La tasse de thé de Proust distille son parfum car l’origami aussi est un monde qui se déplie, se multiplie –  une délicieuse mise en abyme qui nous transporte dans l’espace et le temps.


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Confusion et amalgame

Tout le monde connaît, tout le monde en a entendu parler et tout le monde a son propre mot à dire, pourtant la confusion est fréquente, à bien des niveaux.

Académie française ? Ah, oui, j’ai adoré la dernière pièce de Molière….Une farce ? non, juste un amalgame fréquent avec le fameux théâtre de la Comédie Française qui se trouve tout proche, juste de l’autre côté du Louvre et à l’entrée du Palais Royal.
L’adjectif entraîne les esprits vers d’autres horizons et on ose à peine rectifier, marmonnant de façon évasive qu’effectivement les représentations sont toutes de qualité et qu’il est bien agréable d’y entendre Molière ou Shakespeare.

Le lieu aussi renforce les associations, Paris et ses académies, mais laquelle ? Parle-t-on du système éducatif français ? De celle de Paris, à la différence de celle de Créteil ou Nantes. Encore raté.

Mille et une académies

Il faut avouer qu’entre les mille et une académies qui sillonnent la France et l’étranger et on peut s’y perdre. Un retour aux sources n’est donc pas inutile.

Tout commence dans les jardins d’Akadêmos, près d’Athènes, nous sommes en 387 av. J. C. Platon et ses élèves se retrouvent pour disserter philosophie. L’Academia est née et le temps se charge ensuite de prospérer le nom qui devient le symbole d’intellectuels et d’érudits détenant le (un) savoir et ayant pour vocation de le diffuser.

En 1635 naît ainsi la fameuse Académie française, créée par le cardinal de Richelieu. Elle se donne pour but la défense de la langue française ; elle entérine l’usage, dans une volonté de démocratisation du français face au latin, et travaille à la rédaction d’un dictionnaire. La première édition du dictionnaire paraît en 1694.

Rapidement l’Académie élit domicile dans l’ancien collège des Quatre-Nations, quai de Conti, bâtiment érigée par l’architecte de Versailles, Louis le Vau,  et qui devient par la suite le palais de l’Institut.

Le palais abrite l’Institut de France qui lui-même n’est pas avare d’académies puisque il en regroupe cinq au total; La plus ancienne et réputée : l’Académie française, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, l’Académie des sciences, l’Académie des beaux-arts et enfin l’Académie des sciences morales et politiques.
Toutes ont leur rituel, leur mode de fonctionnement et leur mission.

Une seule déchaîne les passions : L’Académie française

Mais celles dont la presse tend à parler, voire critiquer, celle qui même loin de la France, déchaîne souvent les passions est bien l’Académie française, fer de lance de la langue française et ambassadrice de la culture française.

Quarante membres y siègent, en théorie, trente-huit en pratique actuellement et une fois intronisés ils n’en sortent plus qu’avec les éloges funèbres. Œuvrant selon la devise initiale de Richelieu pour l’immortalité de la langue ils sont devenus « les immortels», un raccourci qui s’explique par le respect des traditions et la volonté de s’inscrire dans l’histoire mais dont la consonance mégalomane, pour ne pas dire bouffonne, finit plus par évoquer le mausolée que la pérennité.

Fidèles aux symboles, les « immortels » portent l’uniforme de rigueur, soit l’habit vert ou plus exactement le costume foncé avec les parements de rameaux d’olivier vert et or. Bicorne, cape et épée complètent le tableau. Peu de place est laissé dans la tenue vestimentaire de chaque membre à l’expression de sa personnalité (l’épée seule permet une touche d’identité). La représentation est avant tout celle de l’unité, de la pompe, du prestige et bien sûr du passé.

Les femmes « sous la coupole »

Pourtant l’Académie a changé avec le temps et notamment depuis 1980 où une femme, Marguerite Yourcenar, pour la première fois depuis sa création est reçue sous la coupole. « Sous la coupole », est d’ailleurs devenue l’expression consacrée de l’Académie. On entend par là l’hémicycle de la chapelle du collège des Quatre-Nations où se tiennent discours, hommages et remises de prix. Le lieu revêt avec le temps une dimension sacrée et presque secrète puisqu’il n’est pas ouvert au grand public et que seuls quelques élus y pénètrent : ses membres, les lauréats des prix ou encore des visiteurs sous réserve d’invitation lors de la réception d’un nouveau membre ou durant la séance publique annuelle.

Une femme donc, enfin ! Et après plus de trois cents ans, il était temps. Marguerite Yourcenar est reconnue pour l’ensemble de son œuvre mais surtout pour son chef d’œuvre Les mémoires d’Hadrien – qui mérite pour le moins d’être accueilli au panthéon des lettres (le roman que j’emmènerais sur un île déserte si….).

Depuis, quelques autres femmes se sont vues ouvrir les portes de l’Académie, l’historienne Hélène Carrère-d’Encausse en 1990 – elle reprend ensuite la fonction de Secrétaire perpétuel en 1999 –  quelques autres femmes de lettres, Assia Djebar ou femmes politiques, Simone Veil – pour les plus connues. Le pourcentage reste cependant bien modeste, 15% de femmes actuellement, 1% au total, l’Académie resterait-elle un club réservé aux hommes ?
Je me contenterai de formuler la question et laisserai le futur prouver du contraire.

Un mythe qui soulève des questions

Mais que fait l’Académie ? L’institution a t-elle d’autres fonctions en dehors de celle de mythe sacré ? Vestige ou organe actif? Idéologie figée dans ses peurs et aveuglée par une grandeur passée ou symbole de modernité face à l’évolution de la langue ?

Le mythe tout d’abord ramène à deux concepts: celui de magie (quelque chose de plus grand et qui nous dépasse) et de fascination (qui va avec). En effet, on raille, on se rallie ; on en est, on n’en est pas – mais on reste rarement neutre. D’aucuns décrieront le lieu comme le bastion sclérosé de la bourgeoisie (Bernanos entre autres), d’autres essaieront sans relâche toute leur vie d’y entrer sans jamais parvenir à leur fin (Zola, tenace, essuiera semble-t-il 17 refus) et certains, tel Victor Hugo, se verront enfin acceptés après plusieurs tentatives infructueuses dans le cercle restreint des élus. Parmi les célèbres « immortels », 726 à ce jour (la plupart morts, Ô ironie) on compte des écrivains, des politiques,  des historiens, des hommes d’église, des militaires, des scientifiques,  des ethnologues – La palette est large et couvre tous les arts.

Mission de l’Académie française

Fidèle à sa mission d’origine, l’Académie continue son travail sur la langue, afin de l’enrichir, de l’adapter aux nouvelles réalités et de la rendre accessible à tous. Elle accueille les mots nouveaux, enregistre ce qui est passé dans le langage courant et donc installé dans l’usage commun ; elle étend le sens de mots déjà existants, en supprime ou propose d’autres pour suivre l’évolution de la langue et la pourvoir de mots justes sachant exprimer ce que les sciences ou les techniques inventent. En bref, elle pense, codifie, normalise et recommande.

Les résultats de ces efforts servent notamment à la préparation de la prochaine édition du dictionnaire. Il s’agira de la 9e, la dernière datant de 1935. La gestation alors aura mis plus d’un demi-siècle. « Tout vient à point à qui sait attendre » dit le vieil adage.

Protectrice entre autres de «l’invasion anglaise», l’Académie a donné à la langue quelques équivalents français aux mots étrangers. Certains ont eu plus de succès que d’autres, pour exemple courriel  qui remplace sans trop de peine ni contrainte l’anglais email, ou encore numérique qui supplante au quotidien digital. Elle suggère aussi, et de façon plus ou moins suivie, des synonymes tels que le français marque ou étiquette pour l’anglais label, des expressions comme retour en arrière pour flashback ou en plein air pour outdoor. Elle accepte cependant les mots passés dans les mœurs et d’origine variée tels que Ersatz (allemand), best-seller (anglais), nouba (arabe), gourou (hindi), patio (espagnol) ou encore pacha (turc).

Je renvoie pour plus d’exemples et d’explication au site de l’Académie française : http://www.academie-francaise.fr (informatif, à jour et agréable à lire).

Plusieurs intervenants participent au travail de l’Académie française

Pour ce travail de longue haleine, l’Académie a recours à plusieurs intervenants, ses membres tout d’abord, organisés en différentes commissions internes, au support extérieur et ponctuel d’experts et de passionnés mais surtout à son service du dictionnaire. Cet organisme composé d’une dizaine de spécialistes de la langue travaille, rédige et soumet le fruit de ses recherches aux membres de l’Académie qui chaque jeudi se réunissent afin de valider les acquis. Organe de communication, le service du dictionnaire répond aussi aux courriers des lecteurs et entretient un contact direct avec le public.

Séance publique annuelle, le 5 décembre dernier…

L’Académie se veut le soutien des arts, accorde des bourses et décerne chaque année des prix à quelques dizaines de lauréats en honneur de leur contribution à la diffusion de la langue et de la culture françaises. Les prix couvrent la littérature, la francophonie, le roman, la poésie, la philosophie, le cinéma, le théâtre, la biographie historique, etc. Ils sont remis lors de la séance publique annuelle, le premier jeudi de décembre.

La garde républicaine accompagne en ce jour solennel l’arrivée des membres de l’Académie qui viennent rejoindre dans le silence d’une audience debout et silencieuse leurs fauteuils situés sous la coupole. Trois discours ensuite sont tenus, celui de remise des prix aux lauréats avec quelques lignes dédiées à leurs œuvres, le discours du Secrétaire perpétuel sur la langue française et enfin celui de rigueur sur la Vertu fait par un membre désigné pour l’exercice.

L’expérience dure environ deux heures et demie. Elle est impressionnante et hors du temps. On y assiste comme à une messe, si ce n’est avec conviction, pour le moins avec respect. Les propos résonnent, font écho aux siècles qui les ont précédés. Les mots prennent de l’ampleur; l’ovale de la coupole sacralise le moment et ajoute à l’émotion des lauréats primés ainsi qu’à celui des invités.

Election d’un nouvel Académicien et honneur à la francophonie

Depuis cet événement hors du commun, l’Académie a élu un nouveau membre. Il remplace au fauteuil Numéro 2 l’auteur d’origine argentine Hector Bianciotti, mort en juin 2012.

Jeune (tout est relatif bien-sûr), d’origine haïtienne et de nationalité canadienne, l’écrivain Dany Laferrière rejoint le groupe des « immortels ». Connu notamment pour son très beau roman L’énigme du retour (prix Médicis 2009) et sans doute un peu moins (des Académiciens et Académiciennes) pour Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer (bien que le titre soit plus accrocheur, avouons-le ), Laferrière apporte par sa francophonie et son parcours international un vent frais sous la coupole.

On espère quelques intéressantes suggestions linguistiques qui viendront enrichir la langue de Voltaire et reflèteront mieux ce que le français se doit d’être, soit le représentant d’une langue parlée par des millions de personnes, la plupart hors de l’hexagone et loin de la poussière du quai Conti.