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Elvigami

Le monde n’est plus, vive le monde ! Comme l’adage populaire le faisait entendre pour les rois, lorsque l’un s’éteint, l’autre s’élève et reprend le flambeau de plus belle. En bref,  la flamme demeure.

Différence et éloignement balayés, nous voici depuis quelques semaines à la même enseigne, de Honolulu à Paris ou Chicago. Dans notre bulle, et bien qu’hyper connectés avec une prolifération d’écrans à tout vent, nous sommes tous étrangement face à nous mêmes, à nos propres limites ou bien à l’infini des possibles.

Les plus fortunés évoluent dans de grands espaces voire dans leurs jardins ou sur leurs terrasses (j’avoue les envier pour l’extérieur à l’intérieur), les autres dans quelques mètres carrés, avec ou sans lumière directe. Chacun cependant, est confronté à redéfinir le quotidien et recréer une sphère de vie nouvelle.

Entre télétravail et télé-virtualité, on s’adonne alors à une pléthore d’activités selon les goûts et les talents de chacun: on cuisine et fantasme non stop sur le prochain plat (si tant est que cela ne fût pas de mise auparavant d’ailleurs), on relit les livres de sa bibliothèque, ou bien attrape celui qui s’empoussière depuis des mois sur la table de chevet, on improvise des concerts gratuits pour voisins médusés, on bouge sur place en se mettant au yoga et à la méditation, on prévoit l’après confinement et ses prochaines vacances au grand air (surtout de l’air !), on étudie, philosophe sur le sens de la vie et se remémore un temps passé, ou avouons-le aussi on se chamaille gentiment en famille pour mieux se sentir vivre ensemble.
A chacun de composer.

Ici, en plus du reste, on laisse parler le papier qui se lit en deçà des mots.

Roses Or et Argent Origami     Rose rose sur fond bois clair    3 roses japonaises avec baguette
Tantôt uni, tantôt coloré, mat ou satiné, dense ou léger, petit ou grand il raconte son histoire.

Jonquilles violettes jaunes et oranges          Table rouge         Fleur plate violette

Les lignes s’entrelacent, les surfaces planes s’envolent et le volume advient. Il en sort un monde chatoyant de petites créatures, d’animaux, de fleurs et d’objets.

 

Rose Rouge Origami             Jonquilles violettes et jaunes              Rose en bouton rouge sur tige

Et bien sûr
aucune coupure, aucun collage
juste le papier, ses limites et ses possibilités.

 

Ecureuil          Rose orange sur tige           Cheval et mur orange
Une passion incroyablement simple ou extraordinairement complexe,
que seuls rythment le temps, l’envie et la patience.

 

Lys bleu         Rose Jaune Origami         Mini lapin japonais

Le mariage, en beauté,
de la poésie et des mathématiques,
de la structure et de l’imagination.

 

Fleur japonaise plate        Crane japonais        Boite japonaise

shaker village dessin tba

On y arrive par une petite route de campagne flanquée de longues barrières blanches derrière lesquelles des chevaux attendent d’être montés. C’est une enfilade de prés dans un espace vallonné. L’autoroute bruyante est déjà loin ; les voitures se font rares et les maisons sont de plus en plus espacées. Elles bordent le bas côté, ou trônent plus imposantes au sommet d’une allée. Nous sommes dans le Kentucky, à quelques heures de Chicago, et bientôt sur la gauche une pancarte indique le but du voyage : Shaker Village of Pleasant Hill.

Le village en question se compose d’une trentaine de bâtisses, en bois et en briques, certaines petites d’autres grandes, séparées par un chemin de terre et par des clôtures faites de pierres savamment empilées ; de hangars aux charpentes massives, de quelques enclos cultivés et d’un cimetière où reposent les derniers habitants du lieu. Car il n’y a plus d’occupants depuis 1923 et Shaker Village est maintenant un gîte, un lieu de retraite pour celles et ceux qui souhaitent se ressourcer. On y séjourne en famille, seul ou en groupe et savoure un endroit hors du temps, propice au silence et à la réflexion.

Plaisant Hill fut fondé au début du 19esiècle par une poignée de croyants venus de New England. Leur foi se basait sur un christianisme ascétique aux règles strictes dont les trois grands axes étaient: travail, célibat et spiritualité.

A l’origine, il y a Ann Lee, alias « Mother Ann », une ouvrière analphabète qui en 1774 fuit l’Angleterre et s’installe sur la côte Est pour y pratiquer la religion qui s’est imposée à elle lors d’une vision. Elle y crée la première communauté Shaker ; ce nom est donné en raison des danses extatiques exécutées par les fidèles lors du culte (de l’anglais « shake » signifiant « vibrer » ou « trembler »).  L’austérité de la vie shaker n’arrête cependant pas les adeptes qui, séduits par la sincérité et par les valeurs des Shakers, rejoignent en masse la nouvelle utopie religieuse.

A son apogée en 1840, on compte plus de six mille membres répartis dans dix-neuf communautés dans des états comme le Maine, Vermont, New Hampshire, Massachussetts, Connecticut, Ohio, Indiana et Kentucky. Des familles rejoignent les Shakers et acceptent de troquer leur statut d’époux et d’épouse pour celui de frère et sœur ; les hommes vivent d’un côté, les femmes de l’autre ;  les enfants sont ensemble sous la supervision de quelques adultes. Chaque maison est dotée d’une double entrée avec deux cages d’escaliers distinctes afin de respecter la stricte séparation des sexes. En revanche, les droits échus aux membres sont exactement les mêmes, pour les hommes comme pour les femmes, et ce indépendamment de leur couleur de peau (rappelons au passage que l’abolition de l’esclavage ne sera proclamée qu’en 1865 et que le droit de vote des femmes sera ratifié en 1920 seulement !)

Les journées à Plaisant Hill commencent tôt et sont ponctuées par le travail – un travail manuel mais aussi intellectuel et spirituel. Certains sont fermiers, charpentiers, apiculteurs, boulangers, cuisiniers, tisserands; d’autres chimistes, instituteurs, herboristes, architectes voire inventeurs car tout ce qui peut alléger la tâche quotidienne et apporter plus de plaisir est loué. Et pour que tous puissent développer leurs talents et maîtriser plusieurs métiers, les tâches de chacun alternent régulièrement. On prête aux Shakers plusieurs innovations, celles des tissus imperméables, des vêtements ne nécessitant aucun repassage, de la pince à linge en bois, du balai plat ou encore de la machine à laver; la première scie circulaire aurait également été inventée par une femme shaker. Le village est un des premiers à avoir l’eau courante et l’hygiène fait partie des pratiques quotidiennes. Les travaux sont dignifiés ; exécutés avec respect et soin, ils deviennent en quelque sorte une façon de rendre hommage à dieu.

Ainsi, les Shakers construisent leurs maisons, fabriquent leurs meubles, tissent et cousent leurs vêtements – Tout est simple, ordonné et efficace, sans aucun ornement. Ils cultivent pour se nourrir et vendent leurs produits à l’extérieur de la communauté. Les rituels rythment la vie de tous les jours, une façon peut-être de mieux discipliner les corps et de sublimer les interdits. Les services religieux sont fréquents et ils ont lieu dans le « Meeting House» où tous se retrouvent alors: hommes, femmes et enfants. Ils prient, chantent et dansent, parfois pendant des heures – la musique et la danse étant perçues comme d’autres moyens de se rapprocher de dieu.

Ce qui frappe lorsqu’on reste à Plaisant Hill, c’est la beauté sobre de l’architecture et la modernité des valeurs shakers; ce sont les lignes épurées des escaliers droits ou en colimaçon, la clarté minimaliste des chambres, la rigueur patinée des commodes, l’habilité des boîtes en bois de toutes tailles pour y ranger vêtements et objets, l’ingéniosité des patères qui courent le long des murs afin d’y accrocher manteaux, chandeliers ou chaises.

Shaker Village of Pleasant Hill, c’est un lieu à part où intelligence rime avec perfection et harmonie et où en conséquence, il fait parfois bon se retirer.
(https://shakervillageky.org)

shaker village maison brique  shaker village 2  shaker village escaliers

 

shaker village 1  shaker village 6  Shaker Village maison pierre.JPG

*

AF_Jeanne Gang_9 janvier 2018_3C’est une audience subjuguée qui a assisté mardi soir à la conférence de l’architecte Jeanne Gang à l’Alliance Française de Chicago.

La présentation du parcours et des projets actuels de Studio Gang fut suivie d’un entretien….en français, s’il vous plaît.
Car si on connait l’architecte de talents et la femme engagée qu’Odile Compagnon a mis à l’honneur dans son introduction, on ne s’attend pas forcément à la voir se prêter avec tant de naturel et de grâce à un tel exercice de style. Un grand bravo !

– Quand et pourquoi avez-vous commencé à étudier le français?

Quand j’étais étudiante à l’université, j’ai étudié pendant un an à Paris-Versailles dans le cadre d’un programme d’échange avec l’université d’Illinois. Je suis tombée amoureuse de l’architecture de Paris et à ce moment là j’ai su que je deviendrai architecte.

Plus tard, j’ai collaboré à des projets en France lorsque je travaillais pour l’architecte néerlandais Rem Koolhaas. Je suis allée à Lille, dans le nord de la France. Ensuite, j’ai été le designer principal d’un autre projet français : une maison à Bordeaux. Ce projet a remporté de nombreux prix et est assez bien connu dans le monde de l’architecture.

Récemment, nous (Studio Gang) avons été finalistes d’un grand concours de design à Paris – j’avais donc un intérêt particulier à améliorer mon français afin de pouvoir le présenter au jury en français. En fait, Adam, mon professeur ici à Alliance française m’a aidée à préparer ma présentation.

– Parlez-nous du concours de la Tour Montparnasse….

La Tour Montparnasse est la seule grande tour du centre de Paris, construite en 1973. Elle est peu appréciée des Parisiens. Donc, la compétition était de réinventer la tour, et non de la démolir.

Il a beaucoup de problèmes dans les bâtiments de cette époque, notamment l’amiante et la mauvaise performance énergétique.

Nous avons fait un beau projet, pour donner une nouvelle vie à la Tour – je pense que c’était le meilleur projet.

– Vous pouvez nous la montrer?

AF_Jeanne Gang_9 janvier 2018_2

Malheureusement, nous sommes arrivés second. Cela nous a beaucoup déçu parce que toute mon équipe a travaillé sur ce projet pendant un an.

Sur le plan positif, il reste trois choses : premièrement, nous avons travaillé avec des membres de l’équipe française – une équipe étonnante, deuxièmement, nous avons maintenant beaucoup d’autres opportunités à Paris, et troisièmement, J’ai amélioré mon français.

La langue (par exemple le français) est un facteur de communication mais aussi de différenciation entre les gens, tout comme le l’architecture peut l’être aussi, à quoi reconnaît-on un projet de Studio Gang et qu’est-ce qui, selon vous, différencie SGA des autres agences d’architecture ?

L’idée principale de mon studio est la connexion avec l’environnement et aussi l’expression (fidèle) des matériaux. Mais l’approche durable n’est pas suffisante aujourd’hui car la tendance maintenant est à la polarisation (à la division).
Il ne suffit plus de tenir compte de l’impact sur l’environnement, maintenant nous pensons surtout que l’architecture doit servir d’abord à améliorer les relations humaines, l’entente.

La science de l’écologie est l’inspiration de notre pratique. C’est la science de la relation entre les organismes et aussi entre les organismes et l’habitat. Elle est l’analogie parfaite pour expliquer notre façon de travailler. Et on peut lire (l’empreint) de cette science sur notre architecture.

– En quoi l’Architecture de Paris et l’architecture de Chicago sont-elles différentes ou identiques ?

C’est une question intéressante. Je pense que la plus grande différence pour moi est que Paris a un tissu urbain cohérent qui est ponctué de monuments. Les monuments sont reliés par des axes. Selon moi, cela rend Paris très compréhensible. Cela signifie également que l’architecture joue un rôle important et tout le monde le sait.

À Chicago, les rues de la ville sont sur une grille (une trame) et donc les blocs sont également divisés. Normalement, nous ne parlons pas de monumentalité ou d’axes lorsque nous parlons de l’architecture de Chicago.
Ces qualités rendent la perception de ces deux villes très différentes les unes des autres.

Les gratte-ciels sont une autre différence évidente. Ils sont au cœur de Chicago alors qu’à Paris ils sont à la périphérie.

Paris est une ville de pierre alors que Chicago est une ville en acier et en béton.

Mais, j’ai toujours pensé qu’il y avait quelque chose de très similaire à la façon dont chaque ville s’adresse à la rivière.

– C’est donc dans leur rapport à l’eau, à la rivière, que les deux villes se rejoignent ?

Oui, comme Paris, Chicago est construite au niveau de la rivière, ce qui donne dans les deux villes l’impression d’être au-dessus du fleuve.
Les deux villes redécouvrent aussi leurs rivières et de nouveaux lieux de loisirs et de nature.

La maire de Paris Anne Hidalgo a transformé les routes le long de la Seine en espaces pour les personnes.
Le maire Rahm Emanuel prolonge le Riverwalk et il établit des points d’accès pour les gens du secteur riverain industriel de Chicago.

– Quel est votre bâtiment préféré à Paris ?

Je pense vraiment que Notre Dame est incroyable, et j’aime aussi la Bibliothèque nationale faite par Henri Labrouste. Je me suis inscrite et j’ai obtenu une carte à la Bibliothèque Richelieu juste pour pouvoir en observer l’architecture ! Il montre une utilisation précoce de l’acier pour la structure et exprime la véritable minceur de la matière au lieu de la faire ressembler à de la pierre.

– Que diriez-vous de Chicago ?

À Chicago, l’un de mes bâtiments favoris est le Monadnock Building by Holabird and Root
(J’aime comment toutes les différentes formes de briques travaillent ensemble pour le rendre très lisse et subtil)
Et j’aime aussi Crown Hall de Mies Van der Rohe. C’est la simplicité et la transparence.

– Comment construisez-vous dans différentes villes que vous connaissez moins bien? Et comment votre architecture s’intègre-t-elle à Chicago ?

Où que nous allions, nous essayons de comprendre le contexte et de faire en sorte que notre travail corresponde aux qualités du lieu. Pas en imitant ce qui est là mais ça pourrait être à travers le matériel ou l’échelle. À Chicago, je pense que notre travail s’inscrit dans une tradition d’expression de la structure et des matériaux.

– Votre pratique a pris de l’ampleur depuis le début, comment gérez-vous cela et sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Plusieurs projets sont en cours de construction.
Vista Tower sera la troisième plus haute tour à Chicago quand elle sera achevée en 2019.

À Hyde Park, nous avons un nouveau bâtiment résidentiel en construction appelé « Solstice on the Park ».

À Brooklyn, nous avons une installation de pompiers presque terminée dans le quartier de Brownsville.

À Manhattan, les travaux sont en cours sur la tour « Solar Carve » sur la Highline.

À San Francisco, nous avons une tour résidentielle en construction sur la rue Folsom.

En cours de développement, nous travaillons actuellement au musée américain d’histoire naturelle à New York et à l’ambassade américaine à Brasilia.

Nous travaillons sur trois bâtiments liés aux arts, dont le California College of Arts à San Francisco, un ajout au Arkansas Art Centre, et un nouveau bâtiment au Spellman College à Atlanta.

Nous sommes également en train de travailler à une nouvelle résidence à U.C. Santa Cruz ainsi qu’à des projets de design urbain tels que le Memphis River Front et les projets publics pour les quartiers de Brownsville et Morrisania à New York.

– Studio Gang a été sélectionné, je crois, avec six autres équipes pour représenter les Etats-Unis dans le pavillon américain de la Biennale d’architecture de Venise, quel en est le thème ?

Le titre est « Echelle de citoyenneté » et l’idée du pavillon, c’est que les participants montrent des projets à des échelles différentes : échelle de la personne, échelle de la ville, de la région, du monde, du cosmos.
Notre échelle à nous, c’est celle de la ville. Nous essayons de répondre à la question de la monumentalité d’un lieu en utilisant les pavés d’un site sur lequel nous travaillons à Memphis.

– Vous participez à des concours, des conférences, des entretiens (comme aujourd’hui), à des expositions, publications, workshops… quel rôle jouent-ils dans votre travail?

C’est important pour la recherche et comme ce sont des réalisations rapides, c’est bon pour les collaborateurs de l’agence, qui voient ainsi un résultat construit sans avoir à attendre les longs délais des chantiers normaux.

– Enfin, qu’est-ce qui vous tient à cœur en 2018?

Je suis vraiment heureuse des projets que nous avons actuellement et veux les rendre exemplaires à tous points de vue. Je pense en particulier à la durabilité de ces projets et aussi à soutenir la communauté.

Aussi, cette année, je vais enseigner le design à Harvard aux étudiants qui font des études supérieures. J’aime travailler avec les étudiants et étudier la résilience dans la construction, notamment dans les endroits qui sont les plus sujets au changement climatique.

Pour un projet de studio, nous aborderons par exemple les îles Caraïbes et nous verrons comment les structures ont résisté aux ouragans Irma et Maria.
D’une certaine manière, les îles sont un microcosme de la planète Terre. Si nous pouvons comprendre comment le faire fonctionner sur une petite île, nous devrions être en mesure d’évoluer celui-ci au niveau de la planète. À Paris, un consortium appelé « Caribbean Smart-Climat Coalition » a accepté de prendre des mesures pour faire des îles un exemple mondial de résilience. Le travail que je ferai sera en phase avec cet effort. Je prévois également d’emmener les étudiants dans les îles pour faire du bénévolat dans le cadre de l’effort de nettoyage.

Je veux aussi continuer avec mon français. Ça devrait être une bonne année !

– Merci Jeanne pour vous être si gracieusement et courageusement prêtée à cet exercice « en français ».

AF_Jeanne Gang 9 janvier 2018_1

Jeanne Gang en quelques mots….
Décorée de la Légion d’honneur, membre de la fondation MacArthur et de l’Académie Américaine des Arts et des Sciences, l’architecte américaine Jeanne Gang a fondé Studio Gang en 1997. Ancienne élève de la Harvard Graduate School of Design ayant enseigné dans les plus grandes universités des Etats-Unis, ses œuvres architecturales sont exposées et applaudies partout dans le monde, depuis l’Art Institute of Chicago jusqu’à la Biennale de Venise. En 2010, avec Studio Gang, elle transforme la silhouette de Chicago, sa ville d’origine, avec l’Aqua Tower et ses 86 étages. Artiste engagée, Jeanne Gang imprègne son architecture des ambitions sociales et environnementales qui l’animent. En partenariat avec l’agence française Chabanne-Architecte, Studio Gang fut finaliste du concours pour la rénovation de la Tour Montparnasse de Paris.

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Bibliothèque

De la bibliothèque d’Alexandrie à la Bibliothèque Nationale de France ou la New York Public Library, les bibliothèques reflètent l’histoire de la civilisation. Espaces publics ou privés, elles sont les cathédrales de l’esprit. À la fois stimulantes et intimidantes, elles constituent le lieu magique et mystérieux de l’imagination, le labyrinthe infini de la pensée, où lecteurs et écrivains puisent inspiration et consolation.
Le cours mettra l’accent sur ​​notre relation aux bibliothèques à travers un parcours littéraire et architectural.

Alliance française de Chicago – mercredi de 19h45 à 21h15

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Dimanche après midi, Chicago, des voix résonnent dans l’église de Saint Chrysostom, chantent a cappella des morceaux couvrant deux siècles, une dizaine de langues, de pays et de cultures. L’audience voyage, de Strasbourg à Syracuse en passant par Hambourg, Helsinki, Budapest, Varsovie, Moscou, Madrid et Athènes. Environ soixante minutes et un tour du monde au sommet de la tessiture, porté par six femmes, sopranos et mezzo-sopranos, chanteuses de l’ensemble vocal « Voix de stras’ », originaire de Stras – bourg, dirigé par Catherine Bolzinger.

On apprécie au passage la polyphonie ludique de l’expression, le raccourci familier voire affectueux du lieu, mais aussi l’image du verre qui imite le diamant. Les voix de Stras’, précieuses et brillantes, font miroiter toutes leurs facettes, cisellent l’air, se faisant tantôt sirènes, tantôt furies, amoureuses, ou magiciennes. Les langues changent ; malléables, elles prennent la forme de Lieder aux intonations sacrées, puis celle de morceaux plus contemporains où l’amour se déclame en vers célèbres et se perçoit en cris de joie ou de peine.

Les silhouettes fines vêtues de noir incarnent un personnage, vivent une sensation, transmettent un message –  L’expérience théâtrale est très proche et le public est subjugué.

Invité par le forum international de musique classique, Classical : Next, Voix de Stras’ sera en Autriche, à Vienne du 14 au 17 mai prochain. Le groupe se produira notamment à l’Institut français de Vienne, pour une matinée concert le jeudi 15 mai à 11h30. Le showcase Classical Next 2014 aura lieu ensuite le 16 à 22h40 à Porgy and Bess, riemergasse 11, 1010 Wien.

Que les Viennois se le disent et pour moi, une raison de plus de vouloir y être….

Pour plus d’info sur Voix de stras’: http://voixdestras.eu

ImageItalie et France, autour d’un menu, et un hommage à une même génération de femmes, à deux prénoms aux sonorités proches, l’une était Française et l’autre d’origine italienne puis ensuite elle fut américaine d’adoption.

Marcella Hazan bien sur pour toute l’inspiration italienne, avec sa « torta di mandorle » notamment, faite sans un gramme de beurre et sans un seul jaune d’œuf, une gageure pour tout bon Français – juste quelques amandes portées par un nuage de neige, c’est beau, c’est léger et c’est délicieux.

Crostini avec ricotta et anchois
Crostini con ricotta e acciughe

Noix de pétoncle sautées à l’ail et au persil
Pettini di mare con aglio e prezzemolo

Gigot d’agneau au four
Cosciotto di agnello al forno

Flageolets aux herbes
Fagioli verdi alle erbe aromatiche

Fenouils à l’huile d’olive
Finocchi brasati

Gâteau aux amandes
Torta di mandorle

Fraises au vin
Fragole con vino

Vino : Prosecco

Vin : Sancerre, Saumur blanc et Chinon

Buon appetito, bon appétit !

Image«Between the folds», le documentaire de l’Américaine Vanessa Gould, sorti en 2008 révèle le monde connu et méconnu de l’origami. Nous sommes loin ici des cocottes en papier que chacun sait plus ou moins faire et expérimente joyeusement en famille. Le papier devient statue, forme géométrique complexe, objet aux mille facettes – un mélange unique de technique et d’émotion.

Plusieurs artistes prennent la parole, parlent de leur découverte de l’origami, de leur fascination et de leur travail incessant pour dompter un art qui semble sans limite. Un pli, puis un autre, des centaines pour les plus experts et la surface s’incarne sous nos yeux.

Le papier prend corps et âme. Il devient sens.

Le documentaire est bref. Il ne dure que 55 minutes et semble ne faire qu’aborder le sujet pour mieux nous le laisser découvrir. On ressort de ce film avec l’envie de créer, de se perdre « entre les plis ». Car c’est bien là que la magie opère, dans cette recherche par l’art d’un moment de grâce et d’un au-delà, situé « entre » les plis.

La tasse de thé de Proust distille son parfum car l’origami aussi est un monde qui se déplie, se multiplie –  une délicieuse mise en abyme qui nous transporte dans l’espace et le temps.

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Le nom commence par un « A » mais il aurait aisément pu choisir une lettre de l’alphabet moins convoitée telle que le « W » pour  un simple « wow », et sa place dans le bottin gastronomique n’en aurait pas moins été au tout début. Alinea, le restaurant de Chicago ouvert en 2005, par le chef américain Grant Achatz est aussi spectaculaire que sa renommée.

Alliance de sobriété et de raffinement, on est transporté. Les articles élogieux font légion, car il est nécessaire de mettre en mots les mets, formuler ce que les sensations appréhendent sans complètement pouvoir cerner. Manger pour subsister, manger pour rester en bonne santé, manger pour le plaisir, manger pour compenser, manger pour penser, manger à toutes les sauces.…la grande préoccupation de chacun, devient ici une expérience aussi intellectuelle que physique. Corps et âme enfin en harmonie, on se prête au cérémonial, se laisse aller, bien calé dans son fauteuil, s’ouvre, tous les sens en alerte, aux joies de l’inconnu.

Le restaurant se trouve dans le quartier de Lincoln, sur une rue passagère et le bâtiment en forme de cube gris, aux fenêtres drapées de voiles blancs ne laisse rien filtrer de l’extérieur. Il n’y a rien de clinquant, pas même de visible pour les non-initiés. Car c’est bien sur le concept d’initiation, de passage rituel qu’Alinea joue. La pénombre et le couloir étroit en forme de boyau frappent à l’entrée, des sortes d’alambics en verre pendent de part et d’autre des parois, puis avant que l’esprit ait mis un mot sur l’impression vécue, une porte métallique s’ouvre sur une pièce claire, aux meubles noirs laqués. L’atmosphère se veut minimaliste. Les tables, sans nappes, sont nues à l’exception d’une serviette blanche pliée en deux pour accueillir chaque convive, la lumière est diffusée par quelques appliques montées au plafond, l’ambiance est élégante, sobre. Plusieurs serveurs, en costume gris, arrivent, courtois, aimables et discrets –  en bref et depuis le pas de la porte, le ton est juste – sans fausse note.

Tout juste installés, la cérémonie commence. Un premier serveur fournit quelques brèves explications du repas, sert un verre d’eau pétillante, rapidement suivi d’une coupe de champagne et d’un amuse bouche présenté sur une cuiller à café. Une bouchée de caviar ouvre les papilles sur une touche salée, fraîche. Voilà, on est prêt pour se lancer dans l’expérience.

Les plats ne tardent pas, quatorze en tout, tous plus spectaculaires les uns que les autres. Les saveurs sont mises en scène, savamment. On regarde émerveillé, suit avec attention les consignes des serveurs et participe parfois à la pièce qui se joue devant soi.

Enoncer les plats, c’est encore les revivre et donc rêver, saliver sur :

  • une mousse de lapin agrémentée de fleurs de cerisiers et de wasabi
  • un ceviche de saint Jacques
    (ce plat est particulièrement beau car il est servi dans un récipient massif en terre noire, assis sur un lit de glace. Du récipient se dégage une vapeur blanche qui se répand en volutes sur la table ; les yeux ne discernent tout d’abord rien qu’un nuage opaque, puis la coquille ouverte, et le voile blanc s’évaporant, les mollusques apparaissent, prennent forme surtout dans la bouche, quand le goût succède à la vue)
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  • crabe et fleur de courgette frite avec safran et cardamone
    (une palette de jaune et d’orange rehaussée par un verre de San Gimignano de couleur ambre)
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  • cubes de poissons et tofu japonais avec gorgée de bière et saké
    (en guise d’assiette nous avons cette fois une ardoise sur laquelle se trouvent deux morceaux de bois noirs couleur d’ébène. Tofu et poisson sont délicatement posés sur le bois, une flamme au bout les illumine et donne une allure féérique au plat)
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  • joues de veau, champignons, cassis et goût de forêt dissimulé sous un nuage de coton blanc aux saveurs de viande
    (un bol dont seul ressort la coupe de mousse blanche, il faut la soulever pour atteindre le mélange plus robuste du dessous. Les « hum… » sans autre forme de commentaires parlent ensuite mieux que les mots)
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  • consommé de pomme de terre froid, avec truffes et boulettes de pommes de terre chaudes
    (la coupelle est blanche, sur le côté se trouve une fine tige en fer sur laquelle sont enfilés de minuscules morceaux de pommes de terre, au bout se tient une lamelle de truffe noire. On tire la tige doucement et les morceaux en équilibre tombent dans le liquide froid. Le tout se boit d’une traite, en laissant agir les contrastes : textures, températures et intensités)
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  • Médaillons de canard à déguster avec multiples condiments
    (Il s’agit bien du point culminant du menu. Quatre magrets de canard assis sur un lit de porcelaine blanche, attendent d’être mariés, selon l’envie, à des touches pimentées, poivrées, sucrées, toutes présentées sur une plaque de verre transparente au centre de la table. Goutte de gingembre, rondelles d’olive, grains de moutarde, atomes d’ail, fragments de fruits confits, noix de pecan grillée, feuilles de thym, de romarin ou basilique, pointe de chocolat, perle de violette, trace de cassis, etc. créent un échiquier de flagrance et couleurs qu’on ose à peine bouger. Alliage de délicatesse et profusion, le résultat est impressionnant).
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  • Ravioli garni de truffe noire et parmesan
    (explosion des saveurs et transition vers la partie sucrée du repas – sobre mais efficace)
  • Eventail de cinq petits dés piqués de gingembre montés au bout d’une courte tige métallique
    (un crescendo piquant et poivré)
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  • Ballon d’hélium à la pomme
    (deux ballons qu’il faut embrasser, inhaler pour manger, la tige est en pâte sucrée. Le plat est un jeu, on s’y prête en riant)
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  • Fraises et noix de pignon
    (sans doute le plus traditionnel des plats servis, délicieux au demeurant)
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  • Crème de framboises et extrait de rose
    (on se fait apprenti chimiste pour un moment et glisse une pipette en verre au bout trempé dans une préparation à la rose dans une bouteille remplie d’un lait de framboises. La satisfaction est ici surtout dans le jeu et les couleurs, moins peut-être dans le goût.
  • Gâteau au chocolat et meringue, sauce vanille et violette, fondant au noisettes
    (le dernier plat est le plus orchestré, voire théâtral. La table est recouverte d’une nappe en plastique, quelques pots blancs sont déposés en bordure ainsi qu’un cercle léger en aluminium au centre. Le chef arrive et se lance dans une composition sous les yeux ravis des convives. Ses doigts agiles saupoudrent à l’intérieur du moule une pâte sucrée, puis verse une sauce épaisse de chocolat chaud, ajoute des nuages de meringue au lait, enfin jette sur le tout des cristaux de violette. A l’extérieur du cercle, la cuiller dessine des rayons blancs de vanille, d’autres rouges à la violette, quelques gouttes éparses donnent enfin le ton final. La présentation est fantastique, le tableau très réussi, on mange littéralement avec ses yeux. Mais ces saveurs douces et riches ne seraient-elles pas presque trop entêtantes pour clore un repas sinon tout en finesse ? L’équilibre des sens est complexe, et nous voilà de toutes façons plus que rassasiés en fin de parcours, laissons les autres sens prendre le relai des papilles déjà comblées.

Deux heures et demie plus tard, on quitte la scène en gardant en mémoire le voyage des goûts, des couleurs, et des parfums. A Alinea, aucune sensation n’est brute ; tout est transmutation et élégance ; que ce soit des produits de base utilisés dans les mets, aux couverts créés spécialement pour chaque plat ou encore à l’ambiance générale du lieu. Le convive est actif, participe à la pièce et l’expérience est totale ; Chaque détail est revu, soupesé, corrigé.

Comme le sas d’entrée le laissait penser, l’alambic est donc sans doute, la meilleure métaphore pour Alinea, car il distille, pressurise, extrait. Il nécessite enfin une technique, utilise des propriétés chimiques, mais reste avant tout et surtout Magique.

ImageLes classiques font peur, trop connus ils ne sont pas lus.

L’école souvent les impose à un âge où la vie n’est encore qu’une forme sans relief, alors que les expériences se comptent sur les doigts de la main et que le recul est impossible. On se fait un jugement bien vite, sans comprendre, pour plaire au professeur, pour filer surtout au prochain, échapper à la corvée. Car tout livre a un âge pour être lu et apprécié ; peu d’entre eux couvrent selon l’expression consacrée la tranche d’âge allant de 7 à 77 ans.

Proust, Racine et tant d’autres, lus trop tôt, restent alors des noms phares qui éblouissent ou figent sur place. Souvenirs d’enfance mal digérés, ils passent au grand public qui lui, aime les citer, s’en parer– mais souvent sans les lire, car à quoi bon l’effort, puisqu’internet est là avec son cortège de citations et de pensées toutes faites.

Et bien non, les classiques ne sont pas ennuyeux. Il suffit de les lire – au bon moment. Et pour qui daigne s’y pencher, ils étonnent, fascinent, passionnent et on y retrouve en germe bien des thèmes popularisés ensuite dans des genres dits plus accessibles.

Tout est là, dans les mythes, les légendes, les auteurs du temps passé. Très peu d’idées nouvelles sont produites par siècle, elles sont plutôt toutes reformulées de façon plus ou moins originale, et surtout plus au moins réussie.
Donc retour aux classiques !

De toutes les tragédies Racinienne (et peut-être même tragédies tout court) Phèdre est certes la plus connue. S’inspirant d’une pièce de théâtre grecque d’Euripide, elle met en scène avec finesse et psychologie la complexité des émotions humaines et la dimension tragique de la passion à travers le trio mythique de Phèdre, Hippolyte et Thésée.

Quelques vers rejaillissent, s’accrochent à la mémoire ou ont été retranchés du texte par le temps, imprimant un fragment que d’aucuns ne sauront plus vraiment replacer dans une pièce de théâtre ou un poème classique :

« Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue,
Un trouble s’éleva dans son âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler ».

Le cours montrera l’universalité des personnages, la pureté du style ainsi que l’harmonie classique de cette pièce, écrite tout en alexandrins. Nous analyserons également son impact à travers les siècles dans des œuvres d’art majeures et regarderons ensemble la remarquable mise en scène de Patrice Chéreau, jouée à l’Odeon-Théâtre à Paris en 2003.

Classe de littérature à l’Alliance Française de ChicagoPhèdre de Racine
du 24 avril au 12 juin – tous les mercredis de 19h45 à 21h45