Monthly Archives: August 2015
Une odeur de café
Encore le silence complet, il est tôt. La bouilloire bat la mesure en cadence, un chuchotement léger monte, enfle, puis gronde. Elle hurlerait comme la sirène des vieux trains si on ne la retirait pas rapidement. Les grains de café fraîchement moulus forment une masse plus sombre dans la cuisine obscure.
Les mains s’orientent au bruit de l’eau en ébullition, elles suivent l’arôme puissant, présence réconfortante du matin. La chaleur monte en volutes. Elle s’engouffre dans un cratère mouvant, balbutiant quelques bulles brûlantes dont il faut se prévenir en ajustant la collerette blanche aux cornettes pointues.
Longue élégante, la bouteille aux parois de verre transparentes est prête, droite et stricte, une nonne vêtue de noir et blanc. On l’attrape par le cou, il est en bois clair ; son écharpe de cuir se termine par deux pompons de bois lisse.
Pas de chant du coq ici mais aux premières nuances de l’aube, le rituel bienveillant du moulin à café et le murmure de l’eau.
Au bord des notes
Un autre endroit, mais toujours les bords de l’eau, Chicago River coule en bas et se jette plus loin dans le lac. La lumière se reflète dans les immeubles d’en face, un fin rayon de soleil direct éclaire la pièce où se regroupent quelques privilégiés. Les doigts comme animés d’une vie propre se lancent, déchirent le tissu des conversations amorcées.
17h30, concert privé chez Isabelle Olivier qui joue ses dernières compositions.
Deux ans plus tard, l’opéra librement inspiré du Baron perché de Calvino prend son élan ; il est fini quasiment pour la partie orchestrale et l’instrument central : la harpe. D’autres viendront s’y joindre : guitares, contrebasses, violons, voire synthétiseurs. Des voix aussi, un quatuor composé de deux hommes et deux femmes.
La harpe, point central, seul représenté pour le concert de ce soir, se donne à fond, cordes, bois, coffre, chevilles, pédales et boutons. Rien n’est laissé de côté et tout participe avec intensité. Côme monte dans l’arbre, fuit la société d’une branche à l’autre, impose sa liberté entre ciel et terre. On ferme les yeux, se laisse porter par une musique nouvelle, si loin des représentations traditionnelles liées à cet instrument.
Etre à quelques centimètres de la harpe, la sentir vibrer et remplir l’espace est unique et ne se retrouvera sans doute pas dans l’opéra final, où elle se fera guide, donnera le ton, mais n’aura plus l’exclusivité. Je profite donc du moment.
Un concert vient d’être donné cet été près de Paris, une magnifique création incluant une quarantaine d’artistes, le tout dans la féérie d’un château médiéval. D’autres représentations sont prévues au printemps et à l’été prochains à Chicago, en salle et en plein air….
Une histoire musicale à suivre donc, perchée entre Paris et Chicago.