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Monthly Archives: April 2013

ImageUn nouveau concert privé d’Isabelle Olivier et la beauté d’assister à la création de son opéra jazz et harpe, intitulé « Don’t worry, be haRpy ».

Environ vingt-cinq minutes de plus que lors du dernier concert auquel j’assistais, et une œuvre qui s’étoffe, devient de plus en plus riche. S’il est un son possible à tirer de l’instrument, Isabelle l’a trouvé. Elle explore, les cordes, l’ossature de la harpe, joue des pédales, de l’inclination de l’instrument, des résonances, et ne craint pas d’employer d’autres éléments ou objets pour augmenter les possibilités, faire jaillir du néant sa composition. Le baron perché passe d’une branche à l’autre et tous les oiseaux pépient, accompagnent de leurs chants les bruits de la forêt de Ligurie.

Quelques morceaux de papier, insérés entre les cordes, donnent aux notes un accent métallique, une petite manivelle – sorte de tire bouchon à l’embout en acier, augmente les vibrations sonores, des gouttelettes d’eau au bout des doigts créent à s’y méprendre les vocalises des mésanges, des étourneaux ou des fauvettes.

Les notes pleuvent, joyeuses ou tristes, fortes ou douces; et la petite phrase musicale revient, ponctue le morceau et capte le spectateur qui chaque fois la retrouve, la suit, attend sa disparition puis son retour, ravi.

Le projet sera en ligne prochainement sur « kickstarter », pour une période d’un mois pendant laquelle tous ceux qui veulent voir ce beau projet d’opéra éclore, peuvent contribuer en apportant leur soutien financier.

A la harpe viendront alors s’ajouter d’autres instruments, d’autres musiciens…..bien plus à suivre….et d’ici là,  http://www.isabelleolivier.com.

ImageAvide à vide
En dur endure

Les échos se répercutent

Emois et moi
Délire de lire

Multiples ;

A Dieu adieu
Encore en cœur

Les sons résonnent, se déforment

Essence et sens
Design de signes

En un chassé-croisé de notes

Amère à mer
Envers en verre

Où les mots rebondissent,

Halo à l’eau
Enfer en fer

Sans réponse.

Emaux et maux
Décris de cris

Je parle en silence
J’écris.

ImageLes classiques font peur, trop connus ils ne sont pas lus.

L’école souvent les impose à un âge où la vie n’est encore qu’une forme sans relief, alors que les expériences se comptent sur les doigts de la main et que le recul est impossible. On se fait un jugement bien vite, sans comprendre, pour plaire au professeur, pour filer surtout au prochain, échapper à la corvée. Car tout livre a un âge pour être lu et apprécié ; peu d’entre eux couvrent selon l’expression consacrée la tranche d’âge allant de 7 à 77 ans.

Proust, Racine et tant d’autres, lus trop tôt, restent alors des noms phares qui éblouissent ou figent sur place. Souvenirs d’enfance mal digérés, ils passent au grand public qui lui, aime les citer, s’en parer– mais souvent sans les lire, car à quoi bon l’effort, puisqu’internet est là avec son cortège de citations et de pensées toutes faites.

Et bien non, les classiques ne sont pas ennuyeux. Il suffit de les lire – au bon moment. Et pour qui daigne s’y pencher, ils étonnent, fascinent, passionnent et on y retrouve en germe bien des thèmes popularisés ensuite dans des genres dits plus accessibles.

Tout est là, dans les mythes, les légendes, les auteurs du temps passé. Très peu d’idées nouvelles sont produites par siècle, elles sont plutôt toutes reformulées de façon plus ou moins originale, et surtout plus au moins réussie.
Donc retour aux classiques !

De toutes les tragédies Racinienne (et peut-être même tragédies tout court) Phèdre est certes la plus connue. S’inspirant d’une pièce de théâtre grecque d’Euripide, elle met en scène avec finesse et psychologie la complexité des émotions humaines et la dimension tragique de la passion à travers le trio mythique de Phèdre, Hippolyte et Thésée.

Quelques vers rejaillissent, s’accrochent à la mémoire ou ont été retranchés du texte par le temps, imprimant un fragment que d’aucuns ne sauront plus vraiment replacer dans une pièce de théâtre ou un poème classique :

« Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue,
Un trouble s’éleva dans son âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler ».

Le cours montrera l’universalité des personnages, la pureté du style ainsi que l’harmonie classique de cette pièce, écrite tout en alexandrins. Nous analyserons également son impact à travers les siècles dans des œuvres d’art majeures et regarderons ensemble la remarquable mise en scène de Patrice Chéreau, jouée à l’Odeon-Théâtre à Paris en 2003.

Classe de littérature à l’Alliance Française de ChicagoPhèdre de Racine
du 24 avril au 12 juin – tous les mercredis de 19h45 à 21h45

ImageAvril ne te découvre pas d’un fil
Nous dit le dicton
Un mois où tout le monde vacille
Chacun sa façon

Un coup à droite, puis un à gauche
En équilibre
Au dessus du vide on chevauche
Tous soudain ivres

De premières chaleur et lumière
Comme hors-la-loi
Le temps, l’espace, la vie celle d’hier
Le cœur en émoi

Entre les possibles et les non dits
Toujours à l’affût
De futures caresses alanguies
Monde défendu

Jusqu’à la lie, on boit ton élixir
Il faut y croire
Aux promesses, prières, à venir
Ne jamais déchoir

Avancer le pas léger, l’air enjoué
Oublier tous ceux
Qui en ces jours, pourquoi, s’en sont allés
De moi, vers les cieux

Ont troqué saison de chrysalide
Ainsi, sans raison,
Leurs enveloppes d’hiver, avides
De beau et de bon

D’un été bien trop long à renaître
Encore incertain
Où la pâle lueur alors traître
Laisse sur la faim.

Ah, si seulement ils avaient attendu
Un peu, car en mai
N’était-il pas clairement dit, entendu
Fais ce qu’il te plaît ?

ImageInstrument souvent noyé dans l’orchestre, touche romantique aux échos d’une époque révolue, rappel désuet de salons cossus, ou encore imagerie de conte de fée, la harpe classique est un instrument peu connu du public, et  bien souvent sous-estimé.

Les doigts glissent, s’agrippent ; le corps est arc-bouté sur l’objet impressionnant et lourd. Un rideau de cordes coupe l’espace en deux, sépare les sons, des plus aigus au plus sonores. La harpiste joue et les associations jaillissent. Elles sont nombreuses : eau, cailloux, feuilles, vent, tonnerre, brise, tempête –  on reconnaît bientôt tous les éléments. Quant aux couleurs, elles se dessinent avec les notes tantôt douces, mélancoliques ou bien fortes et colériques. Du bleu au rouge, du pastel au foncé on laisse le voyage commencer.

Chicago, fin de soirée, les derniers rayons du soleil diffusent un halo orangé, ville et hautes tours du centre servent de coulisse à l’instrument bien planté au milieu de la pièce.  Les notes s’égrainent, rapides et aériennes, sautent de l’une à l’autre, caracolent. Une vingtaine de personnes, d’amis ou de simples connaissances assistent à ce concert privé et écoutent en avant première quelques morceaux d’une œuvre ambitieuse, encore à l’ébauche, née de l’amour de la musique et de celle d’un livre, celui d’Italo Calvino Il barone rampante (Le baron perché).

1767, dans une petite ville de Ligurie, Cosimo Piovasco di Rondò, a 12 ans et est le fils ainé d’un aristocrate. Forcé lors du repas familial à avaler contre son gré un plat d’escargots il se rebelle contre la rigueur familiale, et se refugie dans les arbres du parc jurant de ne plus jamais en redescendre. Médusée la famille assiste jour après jour au siège que tient Cosimo, réalisant bien vite que la lubie infantile s’est transformée en résistance radicale et est devenue l’expression d’une liberté totale. Les semaines passent, les mois puis les années et reprenant le titre de son père après la mort de celui-ci, il devient le baron perché, voyage d’un arbre à l’autre, et vit sa vie d’homme, de penseur, dans les airs.

Roman d’aventures mais aussi conte philosophique (car le «  I would prefer not to » de Melville n’est pas loin),  Il barone rampante invite à penser, incite à rêver et aussi à jouer….

Et bien sûr qui dit perché(e), sur un arbre, un livre, ou un instrument, dit se donner les moyens de découvrir le monde sous une perspective différente, dit pouvoir survoler afin de mieux circonscrire.

La harpiste, Isabelle Olivier, s’inspire du livre de Calvino, pour rédiger son opéra jazz et harpe, un projet auquel se joindront bientôt d’autres musiciens et chanteurs. Pour l’heure les notes dansent, rebondissent comme les sauts du baron, du chêne au magnolia, du mûrier au cerisier ;  la nature est reine, protectrice ou menaçante, les sensations sont à fleur de peau et les rencontres se tissent sur fond de verdure – entre ciel et terre.

photo

 

Alors les yeux fermés et je jour se couchant sur la ville,  on s’envole au plus   profond des bois avec Cosimo, qui soudain a troqué les lianes de la forêt pour des cordes de la harpe.

 

Photo Bettina Frenzel Wiener Wald – (de la série Wiener Bilder)